J’ai passé le week-end à bingewatcher Quand le téléphone sonne, une série coréenne qui m’a littéralement happée pendant 12 heures. Comme cela avait été le cas avec The Glory il y a deux ans, cette série m’a captivée par sa capacité à mêler romance intense et suspense haletant.
Pourquoi ces séries coréennes ont-elles un tel pouvoir addictif ? Qu’est-ce qui les rend si efficaces sur le plan narratif et émotionnel ? En regardant Quand le téléphone sonne, je me suis interrogée sur la recette de leur succès. À travers cette analyse, je vais explorer comment cette mini-série exploite les codes de la romance et du thriller, tout en flirtant avec les schémas narratifs du Young Adult.

L’efficacité du spectaculaire
J’aime les romances sous toutes leurs formes : en lecture (notamment sur les Webtoons), en visionnage, et j’ai une préférence pour les romances coréennes. Ils ont trouvé le truc, ce je-ne-sais-quoi de transcendant. Cela fonctionne très bien parce qu’ils ne lésinent jamais sur les scènes romantiques, ces petits moments de bonheur en couple.
Le point de départ de la série repose sur un mariage arrangé entre deux membres de familles influentes politiquement. Ils se marient par convenance – croit-on. La jeune femme, Hong Hee-Joo, a toujours aimé son mari, mais celui-ci, par virilité ou par fierté, n’a jamais laissé transparaître d’affection. Lorsqu’elle est agressée par un homme ayant des desseins sur son mari, elle récupère un téléphone qui va lui permettre de se rapprocher de ce dernier.
Il n’y a pas de grandes surprises dans l’intrigue : j’ai deviné les résolutions avant qu’elles n’arrivent. Pourtant, plus c’est spectaculaire, plus cela fonctionne. Contrairement aux séries européennes qui misent sur la sobriété, les productions coréennes assument le grandiose jusqu’à l’apothéose, et cela me ravit. Tout y est : romance, thriller, intensité dramatique, mais toujours au service de l’histoire d’amour. Certaines situations sont invraisemblables, uniquement destinées à faire avancer la relation du couple, mais l’impact émotionnel est tel que l’on ne peut s’empêcher d’être touché.
Une série flirtant avec les codes du genre Young Adult
Cette mini-série oscille mais ne tangue jamais, son système est maîtrisé puisque les créateurs assument totalement l’excès de rebondissements. Les révélations s’enchaînent jusqu’à un final plus posé. Je me demande comment ils parviennent à intégrer autant d’éléments narratifs imbriqués pour sublimer l’histoire du couple sans tomber dans l’incohérence. Une seule erreur scénaristique m’a frappée, mais je leur pardonne, car elle servait très bien l’émotion du moment.
Les séries coréennes fonctionnent aussi bien, car elles reprennent les codes du Young Adult en les adaptant à un public adulte. De péripétie en péripétie, le protagoniste principal doit affronter ses obstacles pour atteindre le bonheur. Les personnages sont souvent des archétypes : ici, Baek Se-Eon incarne le mari fort et protecteur, tandis que Hong Hee-Joo, malgré une certaine autonomie, reste la femme douce et soumise que son mari désire. Ce schéma peut sembler dépassé, mais il alimente le fantasme. L’émotion portée par les acteurs amplifie chaque dialogue et chaque interaction, rendant l’expérience hautement immersive.
J’ai souvent rapproché ces romances télévisuelles des romans Young Adult contemporains. Le mariage arrangé, l’ennemi-to-lovers, le rival-to-lovers… Ces tropes sont largement exploités et toujours aussi efficaces. Dans Quand le téléphone sonne, le suspense et le thriller sont au service de la romance, renforçant l’attachement du spectateur aux personnages.
Le rôle de la surenchère dans l’intrigue
Ils jouent beaucoup avec la diégèse et l’esprit du spectateur, je dirais même qu’ils le font participer car la série est construite autour de fantasmes et de désirs inconscients et collectifs. Qui ne rêverait pas de s’endormir à côté d’un homme tendre et heureux, aimant ? Quand je réfléchis à la création de cette série, quand j’analyse chaque séquence, j’en conclus que l’histoire de base est un couple à la dérive et, pour le remettre sur pied quoi de mieux que d’inventer énormément d’obstacles et d’ennemis afin de réunir les deux amants. C’est moderne mais ça a tout du conte de fée avec la même narration, les mêmes schémas archétypaux.
En effet, les contes répondent à nos besoins psychologiques. Selon Bruno Bettelheim, les contes permettent à l’enfant de se construire entièrement. Car les contes répondent à des questions angoissantes sur l’existence. L’amour est un sujet universel dont on rêve tous. Mais il est toujours mieux de sublimer l’amour afin de mettre le spectateur dans des moments d’attente, de demande. La série mise énormément sur ce côté, un effet addictif. Chaque détail permet d’enrichir le propos et notre vie intime, notre imagination fertile participe. Comme les contes, Quand le téléphone sonne alimente notre désir et notre dopamine. Ce n’est pas une histoire profonde mais les moments dévoilés entre les amoureux nous entraînent dans une addiction. Impossible de s’arrêter.
Ainsi, la narration, dans ses moindres détails, permet un saut dans l’intimité d’un couple à qui l’on s’attache dès le premier épisode. Je suppose même qu’il y a un effet d’indentification puisque Hong Hee-Joo a tout du caractère de la femme parfaite, un peu mesuré également afin de la durcir et ne pas en faire une page blanche intégrale. Je suis en couple, pourtant, cette série m’a aidé à m’énivrer de quelques idées romantiques dont je ne suis pas pourvue. La série tisse sa toile et nous piège en nous incluant dans un processus émotionnel et nous immerge totalement jusqu’à la fin, heureuse et pleine d’espoir. Encore un côté Young Adult transposé à un public adulte. Les fins ont tout intérêt à être ouvertes et lumineuses.
Les séries coréennes sont addictives car elles connaissent très bien les principes fondamentaux de la narration de contes de fée et du genre Young Adult. D’ailleurs, le public qui raffole des dramas coréens et le même public que celui qui raffole de la littérature jeunesse. Je me souviens avoir été intriguée lorsque j’ai écouté un podcast sur Harry Potter, un prof d’université parlait que l’âge n’avait pas d’importance lorsqu’on lisait un livre car il était normal de retomber en enfance. Bien que Le téléphone sonne soit une série mélangeant thriller et romance, le schéma narratif reste ancré dans les archétypes et les rouages profonds de l’inconscient et de ses désirs.
Le mélange romance et thriller fonctionne à merveille sur moi. Je trouve ton analyse très intéressante. Tu soulèves des points sur lesquels je ne m’étais jamais arrêtée, mais qui semblent très justes et qui expliquent probablement pourquoi les séries coréennes sont les seules que j’arrive encore à bingewatcher.
Les séries netflix manquent de rythme maintenant qu’elles ne répondent plus à une exigence de concurrence. Avant, on avait tous les jeudi Big Bang Théorie et Game of throne et il fallait maintenant le spectateur, son attention. Maintenant, on a tous les épisodes d’un seul coup. Mais les séries coréennes ont encore gardé ce rythme hyper soutenu et j’avoue que j’adore ça.
Je comprends, ce rythme hyper soutenu étant ce qui me fait tenir jusqu’au bout d’une série 🙂