L’écriture va de paire avec la lecture, inversement aussi. Je me souviens avoir découvert la lecture avant l’écriture et commencer à rédiger quelques petites histoires – des fanfictions sur Naruto – à l’âge de 12 ans. Je me souviens avoir aimé faire vivre mes personnages et poster mes chapitres sur les plateformes de l’époque, avant Wattpad il existait Fanfiction.com ou fanfic-fr.net. Puis j’ai grandi mais je n’ai jamais perdu cet attrait pour l’écriture. Maintenant, cette activité fait partie de moi et j’ai besoin de remplir des pages de carnet chaque jour. Je me sens mieux, je m’amuse, ce n’était pas toujours le cas. Avant, j’entretenais avec elle une relation un peu maso puisqu’elle était tantôt ma meilleure amie tantôt ma meilleure ennemie (allez écouter cette chanson si ce n’est toujours pas fait). Maintenant je me demande comment commencer à écrire un roman.
J’ai tenté de terminer de nombreux débuts de roman, j’ai tourné en rond. A trente et un an, je n’ai toujours rien édité mais ce n’est plus mon obsession. Maintenant, j’écris avec sérénité. Avant, écrire était pour moi de purger mes traumatismes, je m’exerçais à de l’écriture thérapeutique. Je voulais écrire mon histoire, lui donner un sens, me guérir. Maintenant, j’écris pour conter des histoires, pour les inventer et jouir d’une stimulation intellectuelle digne de grands bâtisseurs. Je n’ai plus besoin de me morfondre sur mon passé, j’ai ma psy pour ça. J’aspire à mieux, à construire mes idées en récit de fiction. En ce moment, je lis un essai de Clémentine Beauvais, écrire comme une abeille. Alors, comment écrit-on de la littérature jeunesse ? Parce que, plus j’y pense, plus j’aspire à cette incroyable richesse de mouvement et d’imaginaire qu’est cette littérature !
Penser une intrigue c’est commencer à construire
Comme des lego, il faut savoir réfléchir pour imbriquer des personnages et un univers afin de créer un système et je n’avais pas cette notion. J’ai fait des études d’art et je connaissais, par intuition, qu’une œuvre devait former un tout cohérent selon la pensée du créateur. J’ai beaucoup expérimenté en dessinant et en composant moi-même mais je tâtonnais, plus encore quand il s’agissait d’écrire. Je savais vouloir publier mes œuvres mais je n’avais pas de motivation pour les achever. J’ai cherché la réponse, je me suis dit qu’il y avait un lien avec la mort mais celle-ci me semble définitivement bancale. J’ai des milliers d’idées qui fusent dans mon esprit, ce ne sera pas la matière qui me manquera pour rédiger plusieurs histoires au cours de ma vie. Je n’avais pas de fin, j’avais un début, quelques mots esquissés en urgence mais jamais de fin. Ainsi, je ne pouvais pas terminer mes nombreux brouillons ni poursuivre. Je ne construisais rien, je bourdonnais, je dessinais quelques planches et les abandonnais. Je n’avais pas compris qu’il me fallait construire, assembler : composer comme une peinture.
J’ai longtemps réfléchi avec mes doutes, ils prenaient toute la place. Je considérais la littérature comme la beauté suprême et il me fallait lire et écrire presque de la poésie dans un roman. Or, la poésie peut être simple et émotive, ce qui la rend plus accessible. Or, un roman ne se lit pas comme un recueil et ces deux genres ont leur particularité propre. J’ai dû lire de la théorie littéraire (en préparant le CAPES de lettres modernes en autodidacte) pour comprendre, enfin, que la beauté n’était pas la noyade de mots compliqués et archaïques que j’utilisais pour raconter la vie de mes personnages. Moi-même, en me relisant, je ne comprenais rien à ce que je racontais, comble, quand même, quand on songe à se faire éditer. L’art est si complexe qu’on ne peut juger un roman à son style en délaissant d’autres de ses aspects : la narration et surtout les choix et les partis pris.
Nourrir ses choix par la théorie et commencer à envisager plus grand
Il ne sert à rien d’écrire des morceaux ou le premier chapitre si nous ne savons pas où aller. Plusieurs conseillent d’avoir déjà une fin en tête pour commencer à écrire. Nul besoin d’écrire de longs plans que l’on ne suivra pas car, en chaque texte il y a aussi la loi du laisser-aller, mais un lâcher prise toujours guidé par les idées principales. Mais comment naissent ces petits joyaux qui recèlent en eux toute la résolution d’intrigue, de ton, de personnage ? Par l’inspiration déjà, en lisant d’autre œuvre de littérature adulte ou jeunesse et de nos choix. Comme je l’ai dit dans le précédent paragraphe, je suis bourrée d’idée, mais je me suis rendu compte qu’il s’agissait de la même, toujours transformée, avec le même sens, la même purge. J’avais besoin de dire ce qui s’était passé dans ma vie et elle se métamorphosait. Ce n’était pas suffisant, je n’étais pas prête. Immature encore. Depuis que je me sens légitime dans mes pensées, dans mon être entier, je ne me pose plus de questions, je n’ai plus de doute ni d’hésitation. Je sais où je vais. Et maintenant, les idées s’assemblent facilement pour former un tout logique, cohérent, convainquant.
Je ne vois jamais d’article sur la confiance en soi quand on tente de se lancer dans l’écriture d’un roman ou de nouvelle ou de tout autre texte. Il y est beaucoup question d’apprendre à écrire et, pour cela, je vous conseille des études de lettres ou de sciences humaines, mais jamais d’estime de soi. C’est ce qui me manquait le plus. Je ne prenais aucun plaisir, pour écrire une page, c’était une grande bataille, un champ de sang et de main crispée sur son stylo. Je persévérais. J’en étais sûre, je souhaitais écrire. Et cette envie ne m’a jamais quitté. Aujourd’hui, je suis plus vieille, j’ai appris de mes erreurs, j’ai pu analyser ma pratique. Je m’autorise enfin à prendre de la hauteur et de prendre des partis pris, conscients mais souvent inconscients. Une chose dont je suis persuadée : une œuvre prend de la valeur symbolique lorsque son créateur respire la conscience de chacun de ses mots, de chacun de ses choix. Douter est permis mais assumer ses choix est exigé.
Prendre conscience c’est rendre réel un projet et aller jusqu’au bout
On m’avait prévenue qu’une œuvre était un miroir, miroir de l’inconscient. On dépose sur un support nos angoisses, nos refoulements, nos incompréhensions, nos désirs, nos fantasmes, nos obsessions et la virginité de la feuille s’imprègne de tous ces maux, esquisse de récits intimes, partagés avec les yeux du monde. Je me souviens de ma dernière année où l’on s’entrainait pour les oraux d’Art, on devait présenter nos projets, notre démarche artistique avec la technique que l’on aimait. Je me souviens de mon camarade qui n’avait pas vu que les yeux de ses visages étaient tous fermés. J’ai été surprise du pouvoir de l’inconscient et de la perception du monde, c’est là, des détails peut-être, mais ils sont là ; on ne les voit pas. L’œuvre est un révélateur, un catalyseur de découverte de soi. Il nous met à nu et nous ne devons pas avoir peur. Pour écrire un roman, il y a le contrôle qu’on s’impose, néanmoins, je m’en imposais trop et je ne respirais plus.
J’éprouve, aujourd’hui, de la joie plutôt que de la crainte ; avec mes idées je crée enfin des mondes qui me ressemble et dont je suis satisfaite. Je pourrais toujours corriger, mettre un coup de gomme ou effacer sur mon ordinateur. Je me permets enfin de travailler sur un système. Sans celui-ci, un roman ne peut exister, il ne convainc pas le lecteur. Un système est la cohérence interne d’un texte et ses conséquences sur ce qu’il exige de la lectrice en terme imaginatif. Créer un système est l’aboutissement absolu, une consécration de l’aspiration d’une écrivante. Je ne crains plus rien de mon imaginaire, j’ai enfin fait la paix avec elle. Maintenant, il me faudrait trouver une organisation qui me convienne.
Penser une intrigue c’est mettre en mouvement
L’art consiste aussi à faire des choix, à lâcher prise et à terminer son texte par la pratique et la persévérance. J’expérimente et je m’amuse, enfin, je prends plaisir à écrire et, je crois, j’en suis la plus heureuse.
Merci pour cet article personnel qui me fait réaliser à quel point écrie un roman, c’est bien plus qu’un travail d’écriture.
Je n’avais pas réalisé non plus et je me focalisais que sur l’écriture alors qu’il y a un travail d’organisation et de réflexion énorme. Beaucoup d’écrivains disent qu’ils ne construisent pas de récit mais si, il faut le penser avant de l’écrire.