L’école du bien et du mal, tome 1

Ici comme ailleurs, L'école du bien et du mal, chronique, pocket jeunesse

Les auteurs qui souhaitent réécrire des contes commencent souvent par « il était une fois », la fameuse phrase magique servant surtout de sortilège afin que le lecteur puisse adhérer au merveilleux du récit. J’ai voulu revivre cette atmosphère en me plongeant dans L’école du bien et du mal, tome 1 d’une saga de six romans écrit par Soman Chainani. J’ai longtemps douté, j’ai longtemps hésité et je ne l’ai pas acheté pendant des années alors qu’il me restait en mémoire. Mais je suis connue pour mes choix teintés d’a priori et de craintes.

Avant de débuter la chronique, il faut que je vous confesse que j’ai abandonné la littérature jeunesse pour me concentrer sur la littérature classique puis sur la littérature contemporaine. Il y a deux mois, je suis tombée en dépression, malade donc, les larmes aux yeux toutes les cinq minutes, je me suis tournée, comme je me tourne toujours, vers les livres. J’ai simplement désiré un divertissement, un enchantement afin de respirer enfin et de m’éloigner de la cause de ma détresse. Je souhaitais redevenir une enfant. J’ai relu le tome 1 d’Harry Potter puis le tome 1 des sœurs Carmine et je me suis demandée pourquoi, pendant tant d’années, j’avais renié cette littérature si riche en leçon d’écriture.


Un style ludique et amusant

Mieux vaut tard que jamais, un abandon n’est jamais définitif : je suis heureuse d’avoir renoué avec la littérature jeunesse, surtout avec l’Ecole du bien et du mal qui, comme le tome 1 d’Harry Potter, abuse sagement des exagérations et de la caricature. Il y a toujours un doute, cependant, une petite voix me siffle souvent et m’interroge : est-ce que je suis devenue trop adulte et donc détecte les effets stylistiques propres aux auteurs jeunesses ? Quel est la forme idéale de celle-ci ? Les styles dynamiques sont les meilleurs.

Un dynamisme qui favorise l’action

Pas de temps en longues descriptions ni de longues introspections, pas de temps pour un monologue répugnant sur l’amour et ses effets mais du temps pour l’action. Le passif et les lenteurs n’ont de droit d’entrée. Tout est fait pour favoriser les scènes truculentes et drôles de ce premier tome. On découvre les personnages in médias res, les dialogues donnent de la vie et représentent un pan de vie, de réalité dans cette fantastique épopée. Je crois qu’ils représentent deux tiers du roman, ainsi, ces derniers imposent le rythme. La combinaison description des actions et dialogues offrent un bon cadre à l’amusement. Je suis redevenue enfant, mes émotions intenses face à l’histoire qui se déroulait.

Des exagérations dans les descriptions

J’aime cet effet stylistique : la caricature, quand elle est bien faite, guide les sentiments vers de la tendresse pour les personnages. Ici, elle a un sens trouble et particulier puisqu’elle tend vers la métaphysique. Il grossit tous les traits, discute du manichéisme mais garde toujours un style adapté pour un jeune publique. Dans mon regard de fille de trente passé, j’y aperçois beaucoup d’intelligence et de recherches. Il ne se contente pas de conter une histoire, il sublime les éléments et les archétypes communs des contes de fée afin de les détourner.


Quand le détournement devient métaphysique

Le bien, le mal, deux notions abstraites, souvent mal définies. Des philosophes se sont penchés sur cette question mais personne n’a su donner de réponses définitives. L’auteur y va de son interprétation. D’ailleurs, il a fait son master sur les contes, on y retrouve donc un savoir très érudit.

Au-delà de l’apparence

L’idée retentie tout au long des pages : l’apparence est souvent signe de jugements néfastes et de conclusions hâtives. La méchante serait la gentille et inversement. Mais l’étiquetage a la vie dure, d’ailleurs, dans notre vie, on case les gens sans se douter de la profondeur, on coche des cases : celui-ci entre cette boite, l’autre dans un panier. Ah celle-ci possède un regard de braise et des cheveux drus, noirs, elle doit forcément être une sorcière ! Elle, a le sourire de l’ange, la peau de porcelaine, des cheveux d’or, c’est une princesse. Les biais cognitifs s’infiltrent, on ne voit que dans notre prisme et la réalité se déforme. Mais l’école vit et enseigne, ainsi met-elle nos deux héroïnes à la bonne place. Le doute s’infiltre lentement. Nous voilà confronter aux questionnements d’adultes. Le manichéisme ne tient rien mais le cerveau aime la facilité.

Une vraie pensée sur la morphologie du conte

La morphologie consiste en une étude scientifique sur la configuration et la structure interne d’un objet. Vladimir Propp a écrit un essai sur le conte et sa narration, disséquant les points de basculement et ce qui en faisait une forme universelle. Le conte, comme le mythe, possède un champ religieux qui tend vers la croyance des miracles et du merveilleux. Dans l’inconscient, il soigne les maux des enfants, procure des réponses et l’aide à sa construction psychique. Lire le premier tome de L’école du bien et du mal c’est plonger dans une transformation. On retrouve des écoliers et leur préoccupation, leurs soucis, leur angoisse. Il n’est pas anodin qu’il se concentre beaucoup sur les aspirations et les désirs de ses personnages. Sans désirs, pas de vie. Comment apprendre à gérer sa frustration ? Est-elle plus puissante que les principes moteurs ? Finalement, Sophie et Agatha apprennent à grandir dans cet univers qu’elles ne connaissent pas.


Une réflexion métaphorique sur les contes

On sent que l’auteur s’est fait plaisir avec la mise en abime puisqu’il nous écrit un conte dans un conte : deux jeunes filles sont enlevées de leur village afin d’échouer sur le rivage d’une école merveilleuse. Elles ne comprennent rien, ni leur place, ni leur histoire mais décident – l’une d’elle du moins – de rentrer chez elle, là où elles possèdent leur repaire. Quand l’une aspire par-dessus tout à retrouver son chat, l’autre s’enorgueillisse de son début d’histoire. Puis vint un passage où la plume prend possession de l’écriture. La réflexion s’oriente vers une réflexion approfondie de la création. Bien sûr, les enfants ne verront pas cette profondeur de discussion et, elle n’intéresse pas grand monde à part une niche d’écrivant.e.s.


Un début extrêmement prometteur

Je me promets de ne plus juger son livre parce que la catégorie dans lequel il est placé ne me convient pas. J’ai autant d’effort à faire qu’Agatha et Sophie mais je ne désespère pas. Je sais que je deviendrais meilleure et que mon portemonnaie ne me remerciera pas du tout. J’ai été très heureuse de le découvrir et j’achèterai la suite, ça, je n’ai plus de doute. Ce premier tome fait parti de ma PAL de lecture de noël et le merveilleux me prodigue déjà une ambiance douce et dynamique que l’on retrouve parfois au réveillon.

Si vous l’avez lu, qu’en avez pensé ?

Categories: Littérature
Celestial

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8 thoughts on “L’école du bien et du mal, tome 1”

  1. Je suis comme toi, la littérature jeunesse (pas que, mais en partie) m’aide beaucoup en ces temps où ma santé mentale me fait défaut. J’ai acheté ce premier tome il y a un moment, je suis contente de voir un avis positif dessus !

    1. J’avais longtemps hésité à l’acheter parce que j’avais une vision élitiste de la littérature et seule la littérature pour adulte comptait… et ben je revois tous mes a priori là parce que la littérature jeunesse regorge tellement de richesses d’imaginaire ! J’espère qu’il te plaira !

  2. Merci pour ton analyse pointue et d’une belle finesse qui me permet d’entrevoir dans ce roman une richesse dont je ne me doutais pas. La série est dans ma PAL VO et tu m’as donné envie de me fixer comme objectif de la lire en 2025.

    1. J’en suis super contente ! Moi aussi j’ai longtemps hésité à le lire mais maintenant je sais que je vais me faire pour toute la série en 2025 (et le film a été un petit coup de coeur, je l’ai vu avant de lire le livre et je soupçonne qu’ils ont un peu spoilé)

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