Le Robot Sauvage suit l’incroyable épopée d’un robot – l’unité ROZZUM 7134 alias “Roz” – qui après avoir fait naufrage sur une île déserte doit apprendre à s’adapter à un environnement hostile en nouant petit à petit des relations avec les animaux de l’île. Elle finit par adopter le petit d’une oie, un oison, qui se retrouve orphelin.
Je me ferais petite et adaptable
Les premières images troublent déjà notre vision : on ne voit rien qu’un ciel orageux et l’on se repère grâce au bruit du moteur qui, soudain, s’éteint. In médias res, donc. Puis une falaise et un immense robot traverse l’écran. Mal en point l’objet qui tente de s’allumer. Et voilà qu’elle parle car notre robot est genré féminin. Ils l’appelleront tous Roz, petit diminutif de son sigle : Rozzum. Elle a été créée pour nous servir mais, perdue dans cette forêt abondante – qui se révèlera une île – elle ne sait que faire de ses immenses bras et de son immense intelligente. Ici, personne ne veut d’elle. Tant pis ! Elle fera fonctionner ses méninges. Et le film offre déjà une très belle scène où, assise sur l’herbe, Roz attend et apprend. Elle observe finement le langage des animaux tout autour d’elle. Comment survivre alors ? Quand l’aide n’ait pas demandé et rejeté de toute part ?
On ne voit bien qu’avec le coeur
Ouvrir ses lentilles sur un monde inconnu et ouvrir son esprit. C’est bien une leçon distillée tout au long du périple. Roz, étant robot, s’ouvre également à ses émotions car, originellement, un robot ne ressent rien. Or, c’est en ressentant que l’on trouve généralement les solutions aux problèmes. Et le problème se revêt d’une paire d’ailes et d’un très jeune âge puisque, circonstances du danger de la nature, elle se voit remettre les responsabilités d’une mère. Une mère robot tentant d’apprendre à un oison chétif toutes les bases pour vivre sainement et dignement : voler, nager, manger. Or, Roz n’est pas une oie sauvage comme son Joli-Bec. Elle a trouvé un sens à sa drôle d’existence et des responsabilités : faire famille avec tout ce que cela engendre. Les conflits, les non-dits, la tendresse… et le mot dont on ne trouvera jamais de définition concrète, l’amour.
« Et vive les responsabilités ! »
Non, devenir mère n’est pas inné, ça ne l’a jamais été. Cela s’apprend. Lorsqu’elle annonce naïvement et avec une joie sans commune mesure des responsabilités qu’elle a prise, j’ai ris, beaucoup. Car l’arrivé d’un enfant n’est jamais sans inquiétude. Finalement, ce film est une recherche. Chris Sanders est connu comme un auteur de dessins animés qui, sous leur côté divertissant, questionnent énormément le rapport de soi et des autres. Il a tout compris de l’enfance et de sa construction. C’est déjà comprendre l’altérité, y faire face, puis l’accepter, pour un mieux vivre ensemble. J’ajouterai qu’il est très inclusif car le sang ne suffit pas pour faire famille, au contraire, on n’en a pas besoin. On se retrouve donc spectateur d’un noyau devenant petit à petit famille avec toutes les différences des protagonistes. L’enjeu, c’est de s’aimer avec tout ce que cela comporte. S’accepter serait un verbe plus juste.
Orgueil et préjugés
Je l’avoue, j’ai eu des à préjugés. Ma première à la vue de l’affiche : « c’est joli mais j’ai peur de m’ennuyer, une réécriture de Robinson Crusoé est risquée ! ». Grand bien m’a pris d’y aller armée de ma curiosité. Mais Chris Sanders, déjà le nom, me rassurait. Il a balayé en deux minutes toutes mes idées préconçues et mes peurs. En plus de proposer un film d’une profondeur à faire pâlir les gros blockbuster d’Hollywood, il a un sens du montage aiguisé. Il sait donner un côté dynamique. C’est un petit chef d’œuvre que l’on a sous les yeux. Sans longueur, avec une tension et une tendresse à chaque plan, j’ai versé ma larme à l’acmé du film. Car ce film répond aussi au schéma narratif traditionnel du conte. Il en devient universel, d’ailleurs, pour le respect des contraintes narratives.
Du coup, coup de foudre
Je ne peux rien lui reprocher, pas même un minuscule bout, rien ! Je ne peux que ployer sous le poids de la merveille qu’est ce Robot sauvage. La technique d’animation a bien évolué depuis une dizaine d’année, il est possible de transformer la 3D en des styles tous différents et grandioses. Celui-ci se situe dans l’impressionnisme et les traits enfantins de ses personnages. C’est surtout la lumière et les décors qui permettent aux émotions de se révéler dans leur majesté. Pas besoin de grands discours, le mot amour ne se définit pas, autant le montrer par des images. Il est si plaisant d’assister à la création d’un lien maternel entre Joli-Bec et Roz !
J’ai eu tord de me complaire dans quelques à priori d’ennui et de blocages, il faut croire que je n’avais pas assez d’imagination pour cette œuvre flamboyante. Chris Sanders en a pour mille. Heureusement.
Je n’ai pas pu aller le voir mais ton superbe avis non dénué de poésie et à la finesse d’analyse inspirante me donne très envie d’y remédier dès que possible.
Ton commentaire me va droit au coeur ! Merci beaucoup ! Si j’ai réussi à te donner envie de le voir c’est tout gagné parce que ce film mérite vraiment d’être vu et revu.
Ton enthousiasme est très communicatif ! J’aurais sans doute couru voir le film après t’avoir lu si je n’avais déjà lu le livre dont il est adapté. La bande-annonce m’avait déjà donné bien envie, on voit que Chris Sanders a ajouté sa touche personnelle à l’histoire originelle, mais ton billet confirme que c’est une réussite en tout point.
Pour n’avoir rien sur de l’histoire, c’est vraiment une réussite. Il n’y a pas un moment où l’on s’ennuie et où l’on doute du talent de l’équipe qui a réalisé ce film ! J’espère que tu auras l’occasion de le voir !
Je comprends facilement l’à priori sur l’ennui, le pitch n’est pas le plus enthousiasmant et dynamique qui soit. Ça le rend d’autant plus qualitatif. Je n’ai plus qu’à ne pas l’oublier et à le rattraper un jour !
Franchement oui, Robinson Crusoé c’est bien à lire mais c’est quand même très risqué. Là, il a fait un chef d’oeuvre, c’est très inspirant !