Seule, devant ma page blanche

Seule devant ma page blanche, je me souviens avoir voulu retrouver l’émergence des mots, la critique ou les réflexions pleuvant sous mes doigts lorsque je terminais un livre et que je voulais en décortiquer les thèmes. J’ai eu l’idée d’un podcast – que je ne cesse pas d’imaginer – ainsi qu’une chaîne Youtube. Mais toujours, mes projets lorsque je réalisais un ou plusieurs épisodes, chutaient vers la lassitude causée par un manque fulgurant de confiance en moi. Et d’estime. Comment parler des œuvres qui m’ont aidé à me construire, qui m’aident encore à m’ouvrir au monde, à me déconstruire, à ne pas rester sur mes croyances limitantes ? Comment, avec des simples mots, transmettre la beauté qui me percute quand je découvre un texte qui m’émeut ou m’énerve. Lors de mes études, mon professeur nous guidait vers l’introspection, selon les œuvres que l’on étudiait, il était important que nous sachions pourquoi nous aimions cette œuvre de Duras ou n’aimions pas cette œuvre de Warhol.

J’aime écrire, c’est même un besoin. Mais le doute m’empêcher d’être sereine face à la publication de mes articles – articles dois-je dire amateurs, je n’ai jamais fait d’étude de journalisme. Mes questions ne tournaient pas autour de la célébrité et des nombres de vue, mais plutôt sur les figures de rhétorique que j’allais utiliser. Inconsciemment, je suppose que je souhaitais mes écrits le plus illisibles possible, pour moi, la poésie et les images que j’employais étaient synonyme de beau. En délaissant le probable lecteur errant sur le blog. J’ai laissé des années, abandonnant cette charge avant de revenir aujourd’hui. Je pose ces mots comme un plumage sur un corps encore brouillon.

Je n’écris plus, ou très peu. D’ailleurs, cet article, je le reprends au bout de quelques mois, mois occupés par d’autres préoccupations, par d’autres obsessions. Je n’ai pas pris la plume – ou très peu – j’y ai pensé, beaucoup. J’ai lu, toujours, chaque matin, j’ai lu. Mais je n’ai pas écrit. Non par crainte de la page blanche seulement acharnée par mon avenir et le futur que j’aimerai construire avec mon renard. Alors j’ai délaissé une activité qui me soignait. Je ne pense pas qu’elle me passionnait. Peut-être même que je l’utilisais et que je l’utilise encore comme moyen de guérison. J’aurai écrit sinon. Il y a des moi où, tous les jours, je remplis des pages. Poèmes, nouvelles, début de roman, autofiction. Je ne me suis jamais fait confiance, d’ailleurs, on ne m’a jamais fait confiance. Peut-être ne me sens-je pas à ma place.

Je ne me sens pas légitime. J’admire les autrices et auteurs que je dévore, au bord de la limite d’un temps hors temps, quand je m’immole dans la lecture, j’oublie tout. Et je vis en travers, je vole les corps de personnages de papier.

C’est bizarre, tout de même. Après quelques jours, quelques mois, sans plume, sans mot, quand je recommence, voilà que les phrases sonnent mélodieusement, les images batifolent, heureuses d’être libérée du carcan de mes pensées. On a inventé le papier pour permettre aux esprits de libérer toute l’énergie créative et créatrice d’une personne. Mais il devient ennemi lorsqu’on songe trop à la qualité de la performance. Je me suis débattue des années, de longues années, pour tenter d’avoir confiance – un minimum – en ce que je gribouillais sur les lignes de mes cahiers. J’ai tenté plusieurs techniques : de la rigueur d’un cadre (écrire tous les jours trois pages), à m’accepter moi-même. Je suis de celle qui ne peut se restreindre à un unique écrit, il me faut papillonner sur plusieurs projets afin de graver toute ma saturation d’esprit. Car ça résonne là-haut, dans les neurones. Je dessinais des arbres, petite, que des arbres. Je ne saurais expliquer pourquoi. Maintenant je sais. Il s’agissait de mon cerveau, de toutes ces flammes ou ces vagues, tantôt puissantes, tantôt impérieuses, tantôt mélancoliques. Une dualité me hantant depuis ma naissance.

J’écris car j’en ressens le besoin mais, quand je n’en ressens plus le besoin, je m’éloigne. C’est ce que je me dis pour me rassurer. Je veux dire… j’en ai toujours besoin sinon je n’y penserai pas, n’est-ce pas ? J’y pense tout le temps. Je n’oublie pas mes projets, ni ce personnage se regardant dans le miroir, recluse dans un manoir loin d’une vie normale. Je pense à ce personnage que j’aimerai faire vivre jusqu’à la fin d’un roman, du premier, que je serais fière d’imprimer. Je ne suis pas douée pour la patience. L’écriture est un marathon. Beaucoup d’auteur.ices écrivent un texte pendant de longues années avant de le voir sur les tables des librairies. Depuis des années je m’échine à poursuivre une chimère loin de mes doigts tendus. J’aimerai tellement l’attraper. C’est-à-dire que j’ai même terminé un recueil de poésie et un long texte ! Mais ils ne sont plus réels et je ne veux pas encore les libérer de ma poigne.

La page blanche semble un tentacule de misère, une représentation de toutes nos frayeurs. Elle n’a pas d’existence que celle qu’on lui prêt, mais on lui donne tout. Nos frayeurs, nos espoirs. Seule la rigueur peut sauver de cet ouroboros. Surtout, ne pas abandonner ! Alors j’ai obéi à quelques tactiques, des règles simples, un cadre pour persévérer et gagner en confiance.

J’ai un livre en mémoire qui m’a aidé et qui m’aide toujours. Qu’il faudrait que je relise pour me repaître de cette sagesse. Car j’ai lu beaucoup sur ces peurs des artistes, toujours la même, celle du néant qui représente la mort. L’important, c’est de ne surtout pas abandonner ! Ecrire chaque jour, une page, trois cent mots. L’important, aussi, c’est de se connaitre. Et surtout, de ne pas se juger. Viendra le temps de la correction mais l’écrit, l’action, ne peut se lover dans la correction. On doit les séparer ces temps, sous risque de se pétrifier. Souviens-toi de méduse, de son pouvoir, se voir elle ne l’a pas immunisé, elle s’est figée pour toujours. Se voir dans nos créations n’évite pas le jugement de soi-même et toute la violence, toute la pression accumulée. Tous ces commentaires des autres rongeant l’innocence de l’acte. Car écrire, avant tout, devrait se nourrir d’une genèse première, celle de l’enfance, de l’insouciance. Les enfants n’ont pas peur, ils découvrent tout, avides, même, de ces expériences nouvelles. J’aimerai retrouver ce paradis perdu, au gout de l’éternelle joie. Ecrire sans remontrance de mon subconscient.

Categories: Ecriture
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